Main basse sur la ville

affiche-main-basse-sur-la-ville Cycle « Italiens »

Italie, 1963 . Titre original « Le Mani sulla citta »

Réalisé par Francesco Rosi , écrit par Francesco Rosi et Raffaele La Capria

Avec Rod Steiger, Salvo Randone, Guido Alberti, Angelo d’Alessandro

Synopsis :

Sous l’impulsion de l’entrepreneur Nottola, la municipalité de Naples transforme des terrains agricoles en terrains constructibles. Les spéculateurs construisent sans précaution et le chantier provoque l’écroulement d’une maison ancienne et des morts. Ce drame ayant lieu peu avant les élections municipales, les débats font rage dans la majorité qui cherche à évincer Nottola tandis que l’opposition, menée par le conseiller communiste De Vita, pousse à la création d’une commission d’enquête.

Malgré les pressions de toutes parts, cette commission est créée et va tenter d’identifier les responsabilités.

« En étalant au grand jour les rouages du jeu politique, Rosi pose le problème des rapports entre la morale et la politique. Pour les hommes qui détiennent le pouvoir, la question est résolue : faire de la politique, c’est entrer dans un domaine où la morale traditionnelle n’a plus cours et où seuls comptent l’opportunisme, l’habileté manœuvrière, la corruption. Toutes les méthodes sont bonnes pour conquérir et conserver le pouvoir. Les discours démagogiques et les prébendes servent à obtenir l’aval des électeurs dans un système qui n’est plus qu’un simulacre de démocratie. L’exercice du pouvoir, s’il est pratiqué sans contrôles, conduit à tous les abus : l’autorité finit par prendre des formes monstrueuses. Loin d’être au service du citoyen, elle le transforme en esclave. Ainsi, des fortunes colossales s’édifient en transformant les terrains agricoles de la périphérie en forêt de ciment, en ravageant les centres-ville où les maisons à la dimension des rues sont remplacées par d’ignobles édifices dont l’ampleur bouleverse le tissu urbain et chasse dans les faubourgs les classes les moins fortunées. »

Jean A Gili – Le Cinéma Italien – Edition La Martinère – 2011 page 214

« Dans la droite ligne de Tempête à Washington, Main basse sur la ville, film éminemment politique, fait de décisions politiques, d’obscures commissions d’enquête et conciliabules municipaux, les enjeux dramatiques de sa narration. Tout en poussant plus loin encore le procédé : là où Otto Preminger romançait son exigeante fresque pour répondre aux canons de Hollywood, Francesco Rosi refuse toute psychologie superflue. En une heure et demie de film on n’apprendra finalement rien de la vie de ses personnages principaux, de leurs familles, de leurs occupations, et de leurs préoccupations. D’emblée Main basse sur la ville se pose en constat implacable et débarrassé de tout oripeau, à la limite du reportage. Pas de théâtralité chez Rosi, mais bel et bien cette exigence de vérité qui aura traversé toute la carrière du réalisateur de Salvatore Guiliano. […] Pour peu que l’on se prenne au jeu, la démonstration est d’autant plus cinglante qu’elle reste d’une brûlante actualité, même en France. Où l’on se rend compte que c’est peut-être un film italien des années 1960 qui parle encore mieux de la société d’aujourd’hui. »

Margo Channing – 2005(extrait de Jean A Gili – Le Cinéma Italien – Edition La Martinère – 2011 page 215)

« L’actualité de ce film de 1963 me semble être dans la méthode même de son récit, l’intention didactique de montrer, de parcourir – au-delà de la dénonciation de la spéculation immobilière à Naples, ville qui représente ici l’Italie et le monde – les mécanismes à travers lesquels le pouvoir politique dominant peut changer les règles démocratiques existantes, pour atteindre ses propres buts… »

Francesco Rosi – colloque dans sa ville natale en 2005 – Positif n° 543 Mai 2006 page 71

Dans <Main basse sur la ville, ce qui est en réalité raconté, c’est l’histoire d’une complicité entre spéculateurs politiques, histoire qui est de tous les temps, même si pour Rosi, elle se déroule à Naples, de nos jours… Rosi a réalisé un film clair, bien structuré, sans ambiguïté, presque trop souligné dans la fermeté de ses intentions polémiques… Dans ce film il se révèle un cinéaste de la foule. Les séquences dans les rues de Naples, dans les séances du conseil municipal, avec le peuple et les bourgeois napolitains filmés sous leur aspect le plus anonyme et le plus collectif, sont ce que Rosi a récemment fait de meilleur.
Alberto Moravia – L’Espresso – 20 octobre 1963 (Reparu dans Positif n° 604 de juin 2011 page 44)

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